Face à l’augmentation significative des situations d’abandon de poste, le législateur a modifié le Code du travail en prévoyant désormais une présomption de démission concernant le salarié qui abandonne volontairement son poste (loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi).
Par le biais de cette réforme, le législateur vise à limiter le recours des salariés à la pratique de l’abandon de poste qui, jusqu'à présent, bénéficiaient de l’assurance chômage suite à un abandon de poste.
Une réforme en faveur des employeurs dont l’organisation de l’entreprise peut être gravement impactée par les situations d’abandon de poste, en particulier les plus petites structures telles que les TPE et les PME.
Qu’est - ce que l’abandon de poste et quelles sont les conséquences de la loi entrée en vigueur le 23 décembre 2022 ? Faisons le point dans cet article.
Retour sur la notion d’abandon de poste avant la loi du 21 décembre 2022 (loi portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi)
Longtemps absente du Code du travail, la notion d’abandon de poste était essentiellement encadrée par la jurisprudence.
Aussi, l’abandon de poste désigne la situation qui : “ se manifeste par le comportement du salarié qui quitte son poste de travail sans autorisation de l'employeur ou qui s'absente de manière prolongée ou répétée sans justificatif pendant ses heures de travail ”.
La Cour de cassation a par ailleurs précisé que l’abandon de poste ne peut être une démission, car l’acte de démission nécessite toujours une volonté claire et non équivoque du salarié (Cass. Soc., 17 novembre 2009, n° 98-42.072).
Certaines situations sont exclues de la pratique d’abandon de poste bien que le salarié quitte son poste de travail sans autorisation de l’employeur.
Il s’agit des situations suivantes :
Les conséquences de l’abandon de poste avant la loi du 21 décembre 2022
Suite à un abandon de poste, l’employeur doit mettre en place une procédure qui se décompose en 4 principales étapes :
1 - L’employeur demande au salarié de justifier son absence :
Le salarié dispose de 48 heures pour fournir un certificat médical ou tout autre justificatif de son absence.
2 - L’employeur envoie une mise en demeure au salarié afin qu’il reprenne son poste :
Après un délai de 48 heures d’absence du salarié, l’employeur peut adresser au salarié une mise en demeure de reprendre son poste. Cette étape permet à l’employeur d’initier une rupture du contrat de travail du salarié.
3 - L’employeur applique une sanction disciplinaire :
Sans retour du salarié, l’employeur peut appliquer une sanction disciplinaire telle que l'envoi d’une lettre d’avertissement par exemple ou un blâme.
4 - L’employeur entame la procédure de licenciement :
Sans reprise de poste du salarié, l’employeur doit engager une procédure de licenciement pour abandon de poste.
Deux types de licenciement peuvent être envisagés à savoir :
L'employeur doit agir dans une période de 6 semaines au maximum à compter de la mise en demeure pour entamer une procédure de licenciement pour faute grave. Après un délai de 2 mois à compter du constat de l’abandon de poste, l’employeur ne peut plus licencier ou sanctionner le salarié.
L’abandon de poste est une situation qui peut être très préjudiciable à l’entreprise. L’absence prolongée du salarié peut, en effet, entraîner une forte désorganisation de l’entreprise c’est pourquoi l'employeur peut réclamer des indemnités en raison de la brutalité de la rupture.
En toute hypothèse, en aboutissant à un licenciement, l’abandon de poste ouvrait droit au salarié au bénéfice de l'assurance chômage au terme de son contrat de travail.
Les modifications majeures apportées par la loi du 21 décembre 2022 sur l'abandon de poste.
La loi du 21 décembre 2022 (loi n° 2022-1598, portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi) prévoit 3 nouvelles mesures concernant l’abandon de poste qui impactent les droits de l’employeur et du salarié.
La nouvelle loi instaure une présomption simple de démission en cas d’abandon de poste.
Désormais, “ le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, dans le délai fixé par l’employeur, est présumé avoir démissionné à l’expiration de ce délai ”.
Autrement dit, l’abandon de poste est assimilé à une démission lorsque :
(nouvel article L. 1237-1-1 du Code du travail).
Il s’agit d’une présomption simple, ce qui signifie que le salarié peut renverser cette présomption en contestant la rupture du contrat de travail.
Le salarié considéré comme démissionnaire ne peut donc plus bénéficier de l’assurance chômage.
La procédure de rupture du contrat à l'initiative de l’employeur est simplifiée. En effet, la présomption de démission s’applique immédiatement après l’absence persistante du salarié à son poste et malgré la mise en demeure envoyée par l’employeur.
La nouvelle loi prévoit le droit à contestation du salarié qui peut saisir le Conseil de prud’hommes directement devant le bureau de jugement et faire requalifier la démission en licenciement afin de bénéficier de l’assurance chômage.
Bien que la présomption de démission vise à limiter les abandons de poste à l’avenir, rappelons que les modalités d’application de cette présomption sont encore à déterminer par un décret attendu en 2023. En attendant, l’application de la présomption de démission, bien qu’imminente, est pour l’instant inapplicable.
Texte de référence :